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Une multitudes de chroniques historiques sur les 4 époques de l'Histoire, que ce soit ancienne, médiévale, moderne ou contemporaine. On y trouve des chroniques sur les hommes et les femmes qui ont fait l'Histoire, les événements marquants au plus insolites....

Le recours à la justice sous l'époque Mérovingienne

Initialement, la justice mérovingienne était fondée sur la coutume et sur le droit de faide, ce droit permettant de porter atteinte à un individu au nom de la vengeance. Mais cette justice archaïque ne peut durer en raison de l'instabilité que cela génère au sein du royaume francorum. L'institutionnalisation de la justice apparaît comme la solution pour offrir aux sujets un autre moyen de régler les conflits outre que la vengeance privée. Ceci ne se fait pas du jour au lendemain, plusieurs influence notamment romaine et chrétienne participe à cette évolution. 

  1. Le rejet de la pratique de la faide par l’apparition de la loi Salique
  1. La loi salique influencée par les Romains

Initialement, le régime juridique mérovingien repose sur la personnalité des lois, autrement dit, chaque personne est jugée selon son ethnie. Dans les tribunaux, tout procès commençait par une question : Sous quelle loi vis-tu ? La réponse déterminait laquelle est applicable :

  • Celle des romains
  • Celles des barbares

Mais ce séparatisme assumé ne va durer qu’un temps. Tout commence avec la chute de l’Empire Romain au cours du Ve siècle. L’installation des divers peuples germaniques bascule les structures politiques avec les royaumes dits « barbares ». Il y a alors une cohabitation entre romains et barbares, chacun appliquant tout de même ses lois jusqu’au IXème siècle même si on va démontrer que l’hétérogénéité n’est pas parfaite, loin de là. Par la suite la personnalité des lois laisse place à la territorialité du droit.

Avant ce changement, les règles barbares étaient d’anciennes coutumes ethniques qui se diffusaient à l’oral. Jusqu’aux Invasions (Celle des Huns), les différentes tribus germaniques qui vivaient au-delà du Rhin et du Danube étaient régies par de simples usages oraux qui formaient donc un droit très sommaire. Ainsi, le mariage reposait sur un simple accord entre deux familles, tandis que dans le domaine pénal, le système privilégié était celui de la vengeance privée. La victime était en droit de se venger elle-même ou avec l’aide de ses proches parents.  Mais comment a lieu le basculement de la violence vers la réparation juridique ?

Jean Marie Carbasse écrira « Au contact de la romanité, les Germains se sont civilisées et leur droit a nécessairement évolué. Après les Invasions, la rédaction des lois barbares prend acte de la différence culturelle et juridique entre les nouveaux venus et les autochtones, elle contribue à les rapprocher ». En effet, en Occident, à la suite de l’effondrement de l’Empire Romain, les peuples germaniques s’installent au plus près du peuple romain et cela va créer une vraie mixité juridique.

Jean Pierre Poly, grand historien médiéviste et spécialiste de la féodalité donne une explication à cette transformation du droit barbare en un droit barbare romanisé que nombreux d’historiens suivent. L’idée est que la loi salique reposerait initialement sur une base d’un règlement militaire donné aux Francs et établir par les Romains au-delà de leur frontière (ce que l’on appelle la lime), dès le milieu du IV pour consolider la défense de la frontière. Les Francs, alors en colonies militaires étaient dépendants des généraux romains chargés de la circonscription frontalière et recevaient donc des règlements disciplinaires. C’est dans ce contexte de dépendance que les Francs auraient reçu une « loi » leur interdisant d’utiliser leur coutume de la vengeance qui générait de grande violence[1]. Ce système primitif est alors remplacé par un principe d’indemnisation systématique du préjudice subi, que ce soient pour les coups, voire pour l’homicide.

L’influence romaine ne s’arrête pas là, car les rois francs désormais dominent un territoire ayant une forte population gallo-romaine donc il est nécessaire d’être vu comme légitime par eux. Ainsi, ils vont prendre 3 concepts romains :

  • Tout d’abord, ils se déclarent les défenseurs de la romanité en utilisant les termes de « regnum francorum » et le titre de « Rex ». L’influence romaine est marquée aussi par l’utilisation de la langue latine au sein même de la loi salique
  • La notion de res Publica n’existe pas encore et pourtant les textes traduisent l’idée que ces derniers doivent agir dans l’intérêt du bien commun (necessitas du peuple, l'utilitas, le regnum et la patria)
  • Le roi est soumis aux lois et doit nécessairement les faire respecter.

Les romains et leur idéologie juridique s’immisce peu à peu dans le droit barbare et dans l’exercice du pouvoir. Cette mixité juridique permet de mettre au placard les décennies de vengeance privée pour les remplacer par une réparation pécuniaire, une composition.

 

  1. L’influence du christianisme pour une justice plus « douce »

Par ce moyen, le calme s’installe et ce début de loi salique va finalement prendre sa forme officiellement sous Clovis entre 507 et 511. Cependant, les Romains ne sont pas les seuls à avoir influencer les mérovingiens dans l’abandon progressive de la pratique de la faide. C’est aussi le cas de l’Eglise. En effet, Clovis est le premier roi barbare à se convertir au christianisme.

Baptême de Clovis en 496 ou 498

Lorsque la loi est rédigée, à la fin du règne de Clovis, ce dernier est baptisé depuis à peine 10 ans à la suite de la bataille de Tolbiac qui fit de la Gaule un territoire unifié et orthodoxe. Il gouverne alors entouré d’évêques qui l’influencent et lui proposent le titre de rex pacificus de l’Ecriture ; autrement dit « le roi faiseur de paix »[2].

Clovis sera influencé par cette nouvelle croyance et cela se traduira dans le domaine judiciaire. En effet, la vision pénale de l’Eglise repose sur deux concepts que sont le pardon et la paix. On peut fortement penser que l’influence chrétienne a pu conduire le roi à écarter la coutume de la faide au profit d’un règlement plus doux des conflits. La religion étant le réel prolongement de la charité et de l’apaisement. L’évangile de Saint Mathieu (Mt. 5, 9) déclare « heureux les faiseurs de paix, ils seront appelés fils de Dieu ».

En découle la condamnation explicite des vieilles pratiques vindicatives ritualisées sous la forme du Talion. C’est ainsi que la loi salique « en ce qu’elle interdisait la vengeance pour imposer la paix aux parties antagonistes, ne pouvait que convenir aux évêques conseillers du roi »[3] écrit Jean Marie Carbasse. 

La Loi Salique

Olivier Guillot démontre que la Loi Salique est formée de telle sorte qu’elle ressemble à un pacte[4]. Or un pacte est un accord conclu entre plusieurs individus pour parvenir à la paix. La loi Salique porte en elle la volonté d’en finir avec les interminables violences. Outre la forme juridique du pacte romain, la paix constitue donc le leitmotiv de la loi salique puisque son objet propre est la paix chrétienne, pax christiana. Le préambule primitif de la loi en donne l’illustration « Il a plu aux Francs et il a été convenu entre eux et leurs chefs que, pour favoriser au sein du peuple le maintien de la paix, il fallait couper court à l’enchaînement sans fin des bagarres »[5]. L’essentiel est que désormais la vengeance est hors la loi, même si celle-ci perdurera encore un temps, et que sont fixées des compositions pour réparer les préjudices. Ces compositions sonnent comme des règles qui remplacent le désordre.

Ces compositions pour qu’elles soient applicables doit disposer d’institutions qui les délivrent. Ainsi, après une époque où seule la vengeance privée et la loi du Talion régnaient, la justice s’institutionnalise pour couper court au cercle vicieux de la faide.

Sous un angle social, la peine à travers le religieux est tournée vers la demande adressée à la divinité d’imposer une pénitence au coupable. Elle doit lui faire comprendre l’incompatibilité entre la pensée religieuse d’amour fraternel et de paix, et l’acte de meurtre ou de vol. « De plus, la peine infligée doit satisfaire Dieu qui ne peut pas accepter que des humains mettent en péril son pouvoir d’organisation de la société. Bien évidemment ce soi-disant message divin est le reflet de la volonté humaine de pacifier les relations »[6].

« La peine doit sanctionner ceux qui défient la loi divine en retirant la vie à leur semblable, alors que seule la divinité est comptable des vie humaines ». Et elle « surgit avec brutalité et atrocité quand il est écrit que par le sang de l’homme, l’homme sera vengé »[7]

Finalement, le basculement d’une justice archaïque à une justice institutionnalisée fondée sur la peine découle du droit romain et de la pensée chrétienne. Désormais les mentalités évoluent, le cadre juridique organique doit faire de même, c’est pour cela que la Justice s’institutionnalise. Les mentalités évoluent aussi dans le sens où les individus voient aussi que de leur côté, avoir recours à la justice leur est plus favorable qu’une vendetta sur plusieurs générations

 

II/ Un système pénal institutionnalisé comme nouveau moyen de régler les conflits

  1. L’application institutionnelle du droit sur le territoire

La justice mérovingienne est très sommaires et ne comprend que deux éléments, le tribunal du palais au sommet et enfin, dans chaque pagus ou circonscription, un tribunal local appelé le « mallus ».

  1. Le tribunal royal comme organe tranchant les conflits

L’époque mérovingienne construit petit à petit un système judiciaire dans lequel la vengeance n’est plus le centre concernant la résolution des conflits. Désormais la réparation du préjudice par la composition à une place, tout comme la médiation. En effet, en cas de conflit, on peut s’arranger entre famille par l’intermédiaire d’un médiateur, souvent des hommes d’église en accord avec l’idéal chrétien de la paix. Un contrat se créé entre les deux parties. « Cette pratique était tellement courante que les formulaires juridiques de l’époque offrent des modèles tout prêts de contrats appelés « pactes de paix » ou de « sécurité ». En somme on n’allait devant le mallus que si, après l’échec de la médiation, un règlement amiable s’avérait impossible »[8].

On voit se développer une justice réparatrice du dommage, plus que vengeresse. Grégoire de Tours l’explique dans ces chroniques au travers de l’affaire du vase de Soisson. Une fois la transaction du vase faite à l’évêque Rémi, une compensation monétaire aurait dû se faire en échange et ceci avait été prévu. Finalement, Clovis en fit don à l’évêque. Cette histoire est d’autant plus importante que l’idée de compensation monétaire pour les préjudices subis se développe.

Parmi les institutions, il y a le tribunal royal ou placitum palatii, il se situe au sein du palais après convocation du roi. Il est présidé par le comte du palais, le comes palatii chargé d’instruire l’affaire, mais aussi du roi et de ses plus proches conseillers, ceux que l’on nomme « les grands » (haute aristocratie).

Ce tribunal du roi est le tribunal de première instance mais uniquement pour les affaires les plus graves, soit celle qui touche au roi lui-même, sa famille/ ses intérêts ou bien aux personnes à qui il a accordé sa protection spéciale (le mainbour= autorité protectrice du roi franc sur ses sujets)

Comment se déroule la saisine ? La saisine se fait :

  • Par voie d’accusation
  • Saisit d’office par le roi grâce au principe de cognitio (pouvoir de juger lui-même l’affaire)
  • Saisit quand un homme du droit refusait de statuer sur une affaire qui lui a été soumise. De ce fait, le plaignant en appelait au tribunal du roi pour manquement grave aux missions du rachimbourg. (Homme d’âge et d’expérience qui assiste le comte dans sa fonction judiciaire[9]).  Mais attention ce n’est en aucun cas une cour d’appel. Clotaire II en 614 dans un édit indique que si le juge n’applique pas le droit, il sera châtié par le roi. Ici, c’est donc plus contre le juge lui-même que les parties au procès.
  • Saisit lorsque l’inculpé ne souhaite pas exécuter la décision des rachimbourgs au sein du mallus

Là encore, cela ne veut pas dire que le tribunal du roi permet de faire appel de la décision d’un mallus.

 

  1. Le Mallus, une justice populaire et collégiale

 La justice est rendue au niveau local, par une instance que l’on nomme « le mallus », autrement dit « la réunion des hommes libres ». Ce mallus se déroule sur la colline du malberg, sur laquelle est prononcée la Justice par des hommes libres.

L’organisation judiciaire mérovingienne transfère la responsabilité de définir les tarifs de composition en fonction des délits, au tribunal royal et comtal (le mallus) et de faire appliquer la loi salique, dans l’objectif d’éviter la vengeance personnelle ou familiale. Le roi franc, garant de la paix, de la Justice et de l’ordre public dispose pour cela de plusieurs moyens. Seul, il est dans l’incapacité de prononcer le droit pour chaque sujet ; et c’est pour cela qu’il s’appuie sur des comtes qu’il nomme appelé aussi « comes » ou bien les « grafions » au nord de la Gaule. Ces derniers reçoivent donc une délégation de la part du pouvoir royale afin d’exercer ses missions sur un pagus (autrement dit le pays).

Le roi reste donc le princeps, la source de la puissance publique et délègue à ses agents des compétences comme c’est le cas aujourd’hui avec la déconcentration.

DECOUPAGE TERRITORIAL Pour faciliter cette application juridique au sein du territoire, le royaume est découpé en circonscription, les pagus, eux-mêmes découpés en centaines et vigueries.  Le comte se trouve au sommet de la pyramide, mais d’autre agents participent au relais du pouvoir royale, ce sont « les vicaires représentés comme des substituts du comte, et les centeniers, chargés de la fonction judiciaire eux-mêmes assistés de Sagibarons »[10].

Ces comtes disposent de plusieurs missions :

  • Rendre la justice
  • Percevoir les impôts et taxe au nom du roi
  • S’occuper des levées militaires si cela est nécessaire.

QUI PARTICIPE AU MALLUS ? Ce mallus est présidé par le comte dans sa circonscription au nom des rois mérovingiens qui ont hérité de la fonction judiciaire de l’empereur romain. Je rappelle que le mallus est « la réunion des pairs » ainsi le comte n’est pas le seul à y participer. Il y a aussi les rachimbourgs ou « boni homines » soit les notables du coin, ainsi que l’assemblée des hommes libres du lieu appelé le mallum. Ces derniers participent au tribunal local sur convocation, comme c’est le cas aujourd’hui avec les jurés en Cour d’Assisses.

Les Rachimbourgs sont les assesseurs, choisis parmi les hommes libres. Ils sont donc élu par l’assemblée du mallum, ce qui démontre l’influence persistante des institutions franques antérieures à la possession de la Gaule. Mais lorsque le comte assura la présidence du mallum, il s’arrogea le droit de désigner les rachimbourgs et prit part, lui aussi au jugement.

« Tous les hommes libres de la centaine devaient assister aux sessions du mallus : il y avait là une sorte d’obligation judiciaire, parallèle à l’obligation militaire. Les tribunaux de l’époque mérovingienne siégeaient donc au milieu d’une foule plus ou moins nombreuse – quelques dizaines, voire quelques centaines d’hommes libres en armes – qui participait au procès par ses huées ou ses acclamations. Pour être exécutoire, la sentence devait théoriquement avoir été approuvée par l’assemblée des guerriers ».[11] En effet, lorsque le jugement est prononcé, il est soumis à l’assemblée qui pouvait l’approuver ou non auquel cas, l’affaire devait de nouveau être jugé. Si le jugement est approuvé, son exécution était confiée au Sagibarons.

QUELLE EST LA PROCEDURE DU MALLUS ET SON RECOURS ?  Tous les hommes libres à l’exclusion bien évidemment des esclaves ont le droit de participer à ce tribunal afin de porter leurs accusations envers un tiers. Seule la plainte de la victime ou de la famille pouvait être à l’origine d’un procès. Une fois les deux parties déterminées, le procès commence. Le demandeur, en présence de son adversaire, somme le tribunal de juger selon la formule rituelle et demande l’application de la loi voulue.

La loi salique décrit toute la procédure à suivre, allant de l’enquête au possible refus de l’inculpé à comparaître.

Les modes de preuves/ charge de la preuve=

Concernant le procès, sous l’époque mérovingienne, la pratique de l’enquête utilisée sous le Bas-Empire romain se substitue à la procédure accusatoire. Tandis que l’enquête cherche la réalité des faits et la renommée de l’inculpé, l’accusation d’une partie envers l’autre suffisait. « Contrairement au droit romain, c’était à l’accusé que le droit franc faisait supporter la charge de la preuve »[12]. Il devait donc prouver sa non-culpabilité. Ainsi, pendant toute la période mérovingienne, « le jugement assignait à une partie la tâche d’avoir à prouver son innocence ou son bon droit selon un mode de preuve bien précis, à administrer en lieu et à une date fixés »[13] écrit Olivier Guyot.

Ces modes de preuves étaient divers :

  • L’aveu pouvant être obtenu par la torture lorsqu’il s’agit d’un esclave et même d’un homme libre dans des cas plus rares.
  • Le témoignage qui est le mode de preuve privilégié dans une société peu alphabétisée
  • Le serment purgatoire qui est prêté par le défendeur qui doit nécessairement être un homme libre. Il est aidé par ses parents et proches que l’on nomme les « cojureurs », lesquels attestent de la bonne foi de l’inculpé. Mais si le demandeur déclare que le serment purgatoire est faux, alors un duel judiciaire apparaît pur départager les rivales. Ce duel judiciaire prouve l’influence du christianisme dans la résolution des conflits au Moyen Age puisque se sera Dieu qui laissera la vie sauve à l’innocent.
  • L’écrit qui reste très limité

Cependant, lorsque toutes « ces preuves n’arrivent pas à faire une certitude, en cas de contestation de serment ou d’incertitude du tribunal, on fait appel au jugement de Dieu. Le tribunal humain se déclare incompétent et s’en remet à la décision de Dieu qui sera connue par des procédés appelés ordalies »[14].

Malgré l’institutionnalisation de la justice, les hommes ne sont pas dans l’obligation de choisir le règlement légal des conflits. Cependant, le pouvoir royale a mis en place au sein de la loi salique une disposition pour faire en sorte d’entériner le plus possible cette pratique de la vengeance et ce dès l’article 1 de la loi. Sa place est particulièrement stratégique et prouve l’objectif recherché par le roi. Cet article dispose que « Quiconque refusera de comparaître en justice devant le mallus, après avoir été assigné dans les formes légales, sera condamné à payer 600 deniers, ou 15 sous d’or, à moins qu’il n’ait été retenu par un empêchement légitime »[15].

On assiste donc à un basculement de la vengeance privée vers un système fondé sur les peines et la réparation pécuniaire des préjudices. Même si la vengeance est la première des réactions à l’agression quand la justice n’a pas encore fait sa place, ce droit de la faida tombe peu à peu dans l’oubli pour seul cause de réparation financière. Cette réparation se construit par le principe de la composition judiciaire. 

  • Article 1 titre 2 « Quiconque sera convaincu d’avoir volé un cochon de lait, de la première ou seconde portée, sera condamné à payer 120 deniers, ou 3 sous d’or, sans préjudice de la valeur de l’animal volé, et des frais de poursuite »[16]
  • « Quiconque aura enlevé un esclave, mâle ou femelle, et sera convaincu de ce crime sera condamné à payer 1.400 denier, ou 35 sous d’or, outre la valeur de l’esclave et les frais de poursuite » Article 1 Titre 11 relative aux enlèvements des serviteurs et des esclaves »[17]

Ainsi, d’un côté il y a le tribunal d’exception qu’est le tribunal royal et de l’autre le tribunal comtal, le mallus qui participent au règlement légal des conflits. Cependant, dans une époque où la hiérarchisation des individus est forte, la justice n’est pas la même pour tous selon votre statut.

 

CONCLUSION :

La vengeance privée, première manifestation d’une justice barbare va considérablement affaiblir le royaume en raison des rivalités entre clans et famille. La gestion des conflits est intimement liée au maintien de la paix publique, les mécanismes judiciaires servant à rétablir les équilibres rompus en contrôlant la violence. Et c’est pour y mettre fin que la justice va prendre un caractère organique. La justice est donc tout naturellement au cœur du programme idéologique que les clercs ont assigné à Clovis, Clotaire, Charlemagne et à ses successeurs.

Cependant, l’apparition de la justice institutionnelle ne fait pas disparaître la faide. Jacques Hemricourt précise qu’un tribunal est créé, le tribunal des XII lignages en Belgique, établi après la paix des XII en 1335 dans le but de mettre fin à la pratique de la faide[18]. Celle-ci se poursuivra pourtant jusqu’au XVème siècle.

 Malgré cette appétence pour la sauvegarde de l’honneur par les armes, la justice médiévale évolue et le passage de la dynastie mérovingienne à la dynastie carolingienne le prouve. C’est au travers de capitulaire que Charlemagne a essayé de réformer la justice, d’améliorer le fonctionnement des tribunaux et de restaurer un droit pénal public. Très rares sous la première dynastie, les textes législatifs se sont multipliés sous les Carolingiens : on compte alors plus de 200 capitulaires en quelques décennies, pour seulement une dizaine pendant toute la période mérovingienne.

Le roi carolingien est donc un roi justicier qui doit assurer l’ordre, défendre les églises et les faibles de toute forme d’oppression, mettre en conformité les pratiques sociales avec l’ordre voulu par Dieu car en effet, l’Eglise prend de plus en plus de place jusqu’à s’immiscer dans tous les domaines. La politique judiciaire carolingienne vise donc, comme l’a souligné Robert Bartlett, à développer une justice efficace et chrétienne, qui soit conforme à la volonté de Dieu. La doctrine chrétienne favorisant l’abandon de la violence au profit du pardon.

C’est ainsi que le recours à la justice s’impose comme LE moyen de régler les conflits. Processus qui a finalement débuté durant le Haut Moyen Age.

 

[1] Poly, Jean-Pierre. « La Loi salique, de l’Empire des Romains au royaume des Francs», Le Moyen Age, vol. cxxv, no. 1, 2019, pp. 203-211.

[2]  Ioannis S Papadopoulos, La peine de mort, Droit, Histoire, Anthropologie, Philosophie, 2000

[3] Carbasse, Jean-Marie. Histoire du droit. Presses Universitaires de France, 2021

[4] Olivier Guillot, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, Armand Colin, 2003

[5] Préambule de la Loi salique 

[6] Frédéric Zenati, « Procès, lieu du social ».

[7] Yves Jeanclos, La peine miroir de la justice, l’extenso edition, clefs politique, 2012

[8] Carbasse, Jean-Marie. « Chapitre 2. De l’époque franque à la renaissance du xiie siècle », , Histoire du droit pénal et de la justice criminelle. avec la collaboration de Vielfaure Pascal. Presses Universitaires de France, 2014, pp. 89-140.

[9] Jean Favier, Dictionnaire de la France Médiévale, Fayard, 1993

[10] Lauranson-Rosaz, Christian. « À l'origine des territoires de justice : vicaria, districtus et périmètres de paix », Histoire de la justice, vol. 21, no. 1, 2011, pp. 9-28. 

[11] Carbasse, Jean-Marie. « Chapitre 2. De l’époque franque à la renaissance du xiie siècle », , Histoire du droit pénal et de la justice criminelle. avec la collaboration de Vielfaure Pascal. Presses Universitaires de France, 2014, pp. 89-140.

 [12] Toureille, Valérie. « Chapitre III. Le criminel devant son juge », , Crime et Châtiment au Moyen Age. sous la direction de Toureille Valérie. Le Seuil, 2013, pp. 157-245.

 [13] Olivier Guyot et al., Pouvoirs et institutions dans la France médiévaleop. cit., p. 123

 [14] « Chapitre II. Les institutions mérovingiennes », Histoire des institutions. Le Moyen Âge. sous la direction de Ellul Jacques. Presses Universitaires de France, 2013, pp. 48-76.

 [15] Loi salique 

 [16) Ibidem 

 [17] Ibidem 

 [18] Jacques Hemricourt et la faide, Contribution à l’analyse des représentations de l’aristocratie à la fin du Moyen Age

 

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